PAROLES DE FEMMES NÉGOCIATRICES
Qui de mieux que les femmes elles-mêmes pour défendre leur cause quand aux impacts des changements climatiques qu'elles subissent. Elles sont aujourd'hui plusieurs dizaines de négociatrices dans l'espace francophone, à prendre une part active lors des conférences sur les enjeux climatiques, comme cela a été le cas lors de l'intersession des négociations de Bonn qui s'est déroulée du 16 au 26 juin 2025. Si elles sont toutes unanimes sur le rôle clé qu'à joué l'Institut de la Francophonie pour le Développement Durable (IFDD) dans leur formation, chacune d'elles a sa raison sur l'intérêt porté dans les négociations climat.
Les femmes et les filles sont particulièrement touchées par les effets du changement climatique, notamment en raison des inégalités de genre préexistantes. A la table des négociations climat, elles doivent donc être présentes pour mieux défendre leur cause.
Malheureusement cela n'a pas toujours le cas, leur absence très visible lors des conférences internationales sur les enjeux climatiques. Pour corriger ce déséquilibre, l'Institut de la Francophonie pour le Développement Durable (IFDD) a mis en place un de ses dispositifs phares qui est le Programme de formation des négociatrices francophones. Elles sont aujourd'hui plusieurs centaines de femmes formées dans l'espace francophone.
Chaque année, en virtuel comme en présentiel, cette armée d'Amazones du climat arpente les couloirs des négociations, motivées chacune par un ressenti personnel à la base.
Lors de l'intersession de Bonn du mois de juin 2025, à la suite d'une animation de groupe, chaque femme a ouvert son cœur pour livrer la véritable raison de cet engagement sans faille. Des paroles de femmes qui résonnent aussi fort que les cris au loin de ces femmes rurales, autochtones et insulaires que les négociatrices représentent.
Issues de tous les pays francophones, elles vous disent tout, les femmes.
Pour Gaelle Takam du Cameroun, elle a choisi d'être négociatrice pour 《 contribuer à la recherche des solutions pour lutter efficacement contre les impacts changements climatiques》. Ses compatriotes donnent elles aussi des raisons qui méritent qu'on s'y attarde. Elisabeth Koussikaye par exemple est《 partie du constat selon lequel l'afrique est le continent le moins contributeur au Changement Climatique et le plus exposé aux effets, je voudrais porter ma voix pour la recherche des solutions pour y faire face en terme d'action,mesure et financement》. Ursula Saha quand à elle a été motivée par un objectif :《La quête de justice climatique qui m'a donné envie de m'impliquer dans les négociations climat, car les Africains sont parmi les plus vulnérables aux impacts du changement climatique malgré leur faible contribution aux émissions mondiales》.
Pour Marvine Bertille Seredenga de la République Centrafricaine 《Ma voix est forte et revendicatrice. Un appel à l'action pour le changement climatique》.
Safiatou du Burkina Faso s'est intéressée aux négociations climat《 parce que je voulais mieux comprendre comment fonctionne le processus et découvrir les opportunités qu’il peut offrir à nos communautés》, ses compatriotes Nafi et Bibiane Dembele KABORE lui ont emboîté le pas en précisant pour la première qu'il est question de 《 contribuer à faire bouger les choses pour un monde meilleur à offrir aux générations futures》et pour la deuxième que c'est 《 pour apporter ma modeste contribution pour la prise de conscience des effets des changements climatiques au niveau des populations en général et des femmes en particulier》. Espérance Radi de la RDC se propose de 《 lancer un appel fort sur la gestion des conséquences du changement climatique sur l'environnement, les communautés surtout vulnérables, l'économie et parvenir à convaincre les puissances à la contribution》. Il le faut pour calmer Esther Ndungidi, sa compatriote animée par 《la colère de subir les effets néfastes du changement climatique occasionnés par les pays industrialisés》.
Hamda Amin de Djibouti, spécialisée en Gestion des risques et des catastrophes, explique qu'elle a toujours été 《intéressée dans l'adaptation aux effets du changements climatiques. Et les femmes sont plus vulnérables aux effets du CC .
Notre implication dans les négociations est surtout une participation active dans la prise de décision》.
Ayant fait une formation en géographie qui a aiguisé son intérêt profond pour les dynamiques entre les sociétés humaines et leur environnement, Soibira des îles Comores a été sensibilisée très tôt aux enjeux du changement climatique, notamment leurs impacts inégaux sur les territoires et les populations les plus vulnérables, comme celles des petits États insulaires ou des zones côtières, y compris les Comores. 《Mon parcours m’a amenée à comprendre que les solutions aux défis climatiques ne sont pas uniquement scientifiques ou techniques, mais aussi politiques. C’est ce qui m’a poussée à vouloir participer aux négociations : pour porter la voix des pays du Sud, pour contribuer à des décisions justes et fondées sur la réalité du terrain, et pour faire le lien entre la science, les politiques publiques et les besoins réels des communautés》. Nür vient aussi des Comores. Elle se lance dans les négociations car,《en voyant les effets directs du changement climatique dans les villages côtiers, j’ai senti qu’il fallait que je m’implique. En ayant la conviction que les choses évoluent Inshallah》. Comme les deux comoriennes, Musette Thomas est aussi une insulaire et vit à Haïti. Elle pense qu'il faut impérativement 《agir face à l’urgence climatique et assurer un avenir durable》. Sa compatriote Kimarley pense que cela va 《 contribuer aux différentes actions, décisions en vue de lutter contre les effets du changement climatique》.
Pour beaucoup de femmes, prendre part aux négociations est devenu une véritable passion. C'est le cas de Inès Maman Djéser du Burundi qui affirme que 《 cette passion stimule l'innovation,inspire la collaboration et motive à rechercher des solutions à long terme pour Lutter contre les changements climatiques》. Sa compatriote Charlene ajoute pour sa part qu'au delà de la passion elle a 《 choisi de devenir négociatrice pour représenter les communautés rurales, celles qui sont aujourd’hui les plus durement touchées par les effets néfastes des changements climatiques Je veux porter leur voix, leurs apporter un petit réconfort puisque leurs vies changent, même si elle serait petite》. La Mauritanie a été représentée par Aïssata Sy. Son but dans les négociations c'est 《 sensibiliser les populations rurales aux impacts néfastes du changement climatique》. Un combat aussi noble que celui de l'ivoirienne Touré Adama Diabaté qui voudrait en plus le mener 《 pour notre survie et aussi pour porter la voix féminine》.
Au Tchad, Limé Mo, témoin de la vulnérabilité de son pays, a compris une chose: 《 Notre avenir dépend de notre capacité à accéder aux financements climatiques et à les orienter vers des solutions adaptées à nos réalités. C'est ce déséquilibre entre notre exposition extrême aux risques climatiques et notre voix limitée dans les mécanismes de financement international qui m'a poussée à m'impliquer dans les négociations climat》. Aziza du même pays s'est engagée dans la lutte contre le changement climatique comme jeune femme, chercheur ambitieuse et actrice de la société civile au Tchad. Pour elle, 《 Porter la voix de nos communautés vulnérables et faire entendre la science dans les négociations climatiques est une responsabilité collective》.
Hélène Mavar de la Belgique est spécialiste des plantes médicinales et alimentaires. Elle est claire: 《j'observe leur disparition progressive sous différents effets, dont le changement climatique et j'avais l'impression que la langue de bois étaient maniée avec brio et ne changeait rien sur le terrain. Alors j'ai décidé d'y regardé de plus près》.
La marocaine Ouafae Bouchouata explique sa présence dans les négociations par un triptyque :
《1. C'est un droit étant donné que nos pays sont très impactés sont en être à l'origine et parce que c'est une question de survie surtout pour nos zones très vulnérables;
2. C'est une conviction que les "droits ne peuvent être obtenus" que si on les réclames et on y insiste;
3. Si en plus en négocie dans des groupes c'est encore meilleure car on mutualise les efforts et on porte notre voix très haut》.
Pour le compte du Benin, Judith BOSSOUVI, agronome en poste au Ministère de l'agriculture de l'Elevage et la Pêche, 《 travaille depuis plus de 15 avec les producteurs et productrices qui subissent avec beaucoup de peine les conséquences néfastes des changement climatique dans leur exploitation. S'impliquer dans les négociations climatiques pour moi est un moyen pour faire remonter leur problème et et trouver des solutions pour réduire leur vulnérabilité》 .
Elles ont été bien plus nombreuses encore, toutes ces négociatrices qui ont accepté de partager leurs motivations à s'engager dans les négociations. Derrière chaque parcours, il y a un constat de terrain, une urgence vécue, et une volonté d’agir pour les communautés. Que ce soit pour faire entendre la voix des femmes, protéger les plus vulnérables, défendre les droits des pays les moins avancés, ou porter des solutions concrètes, les réponses montrent que ces amazones du climat avancent ensembles, avec une vision claire.
Line Renée ANABA
Commentaires
Enregistrer un commentaire