INITIATIVE COMIFAC/WWF : MOBILISATION DES FINANCEMENTS POUR LES FORÊTS BASSIN DU CONGO.
Parmi les événements parallèles courus des pays du Bassin du Congo à la Cop29 de Baku, il ya eu cette table-ronde de haut niveau organisée le vendredi 15 novembre 2024 au pavillon de la RDC. Elle portait sur l’initiative COMIFAC/WWF en rapport avec la mobilisation des financements en faveur des forêts du Bassin du Congo. Présidée par le Président en exercice de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC), comme on pouvait s'y attendre, l'une des grandes résolutions a été la question de l'urgence de préserver les forêts du Bassin du Congo.
Le Bassin du Congo est aujourd'hui le poumon essentiel de l'humanité grâce à son vaste couvert forestier, en ce qu'il absorbe le gros des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Les forêts et les Tourbières de notre sous-région doivent pour cela permettre aux pays membres de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC), de lever les fonds nécessaires pour jouer leur rôle de régulateur du réchauffement climatique, en même temps qu'un rôle de levier de développement de ces Etats. Le produit intérieur brut des pays d'Afrique Centrale dépend en grande partie de l'exploitation de leurs forêts tropicales.
De façon spécifique, il faut rendre les forêts à haute intégrité économique plus rentables que les usages non durables des terres forestières du Bassin du Congo, particulièrement face à une communauté internationale loin de s'empresser de renflouer les différents fonds de financement de la lutte contre les changements climatiques.
Le président en exercice de la Comifac, le Burundais Prosper DODIKO qui occupe la fonction de ministre de l'environnement, de l'agriculture et de l'élevage dans son pays, présidait cette table-ronde à laquelle assistait le Secrétaire Exécutif et l'ambassadeur de bonne volonté de la Comifac, le Chef de l'unité des forêts internationales du gouvernement britannique, le représentant de VESOS, la CO-facilitation du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC), entre autres partenaires.
Le ministre Prosper DODIKO a tenu avant tout à rappeler la genèse du lancement de cette idée de mobilisation des fonds pour la conservation et la gestion durable des forêts et la lutte contre les changements climatiques. Tout était parti en effet de Sharm El Cheikh en Égypte durant la Cop27 il ya deux ans, lorsque le ministre camerounais Jules Doret Ndongo alors Président en exercice de la Comifac, en compagnie du Fond Mondial pour la Nature WWF, avait émis l'idée d'un tel projet. Une idée qui a rapidement reçu l'approbation de tous ses pairs de la Comifac, au regard du constat réel que l'Afrique Centrale ne bénéficie pas assez des financements jusqu'ici octroyés, malgré tous ses efforts engagés en faveur de la conservation, de la gestion durable des forêts et de la biodiversité et de la lutte contre les changements climatiques pour la régulation de la température mondiale.
Faisant appel aux derniers résultats élogieux de la recherche, Prosper DODIKO a précisé que 《 les forêts du Bassin du Congo et les Tourbières constituent désormais le premier poumon planétaire du fait de leur capacité à séquestrer le carbone. Face à la nécessité de répondre aux attentes légitimes sur le plan socio-économique, les pays de la sous-région se trouvent confrontés à des choix difficiles : d'une part la nécessité de mettre leur potentiel forestier au centre de leur développement économique, ce qui suggère des conversions de forêts à grande échelle, et d'autre part de répondre à la problématique mondiale de conserver son potentiel forestier afin qu'il continue de jouer son rôle de poumon vert de la planète》. Une équation assez difficile pour des pays dont la demande socio-économique à l'instar de l'énergie, continue d'augmenter chaque jour un peu plus, faisant des forêts la principale source énergétique.
Le projet de mobilisation des fonds pour la conservation et la gestion durable des forêts et la lutte contre les changements climatiques est porté par le Fonds Mondial pour la Nature, WWF International. Il nécessite néanmoins un accompagnement des pays amis qui soutiennent depuis plusieurs années, le Plan de Convergence de la COMIFAC. La table-ronde a donc été l'occasion idoine de leur présenter les avancées à travers les différents engagements des États membres. Des avancées compilées dans la présentation faite par Jonas KEMAJOU de WWF. Selon lui en effet, les 180 millions d'hectares de forêts tropicales du Bassin du Congo constituent une source 《 de fortes pertes économiques pour les pays de la sous-région car leurs faibles budgets sont réinvestis pour la gestion durable de ces forêts. Pourtant ils ont les besoins essentiels de leurs populations 》.
Heureusement, en tant qu'immense puits de carbone, ces forêts sont une manne financière une fois que le marché carbone sera bien installé. A ce niveau là aussi, Jonas KEMAJOU fait déchanter les attentes. Il explique en effet qu'il est difficile pour le moment qu'un projet carbone réussisse dans le Bassin du Congo car 《 le taux de dégradation des forêts est ici compris entre 0,01 à 0,33% seulement. Or, pour qu'un projet carbone soit rentable dans nos pays, le taux de déforestation doit être supérieur à 2%》. Progressivement on constate que l'agriculture augmente, particulièrement l'agriculture industrielle qui prend une large part aux côtés de l'exploitation forestière, ce qui contribue déjà à propulser vers la conversion des terres forestières. Mais Jonas KEMAJOU a une option qu'il propose.《 Pour protéger les forêts du Bassin du Congo, il faut passer de la zone de pertes économiques pour les Etats, pour rendre les forêts à haute intégrité économiquement plus rentables que les usages non durables des terres forestières. Si nous réussissons tous à le faire, on va pouvoir maintenir les forêts stables en étant des habitats de la biodiversité. 》
Devant un pavillon suspendu à ses lèvres face à un discours qui sort des canons habituels, Jonas KEMAJOU va prendre un exemple concret.《La rentabilité d'une exploitation forestière permet de générer au mieux 45 dollars par hectare chaque année. Tandis que l'agriculture généralement génère jusqu'à 775 dollars par hectare par an. L'exploitation minière génère encore beaucoup plus. Si rien n'est donc fait, dans le Bassin du Congo la tendance sera une vaste conversion des terres forestières pour l'agriculture industrielle afin de répondre à la demande socio-économique des populations》. Surtout que jusqu'à présent les pays peinent à bénéficier des financements déjà disponibles dans les fonds et mécanismes. Il n'a d'ailleurs pas manqué de faire une comparaison entre le Bassin du Congo, le Bassin de l'Amazonie et celui de l'Asie du Sud-est. 《 le Bassin du Congo est le parent pauvre avec seulement 4% des financements. Et dans ce maigre pourcentage, 68% sont de l'aide publique au développement tronquée. Ce sont des engagements antérieurs réchauffés et présentés aux États comme de nouvelles contributions. Toujours dans ce pourcentage, 24% sont des prêts. Concrètement, les pays du Bassin du Congo empruntent de l'argent pour préserver des forêts qui vont générer une plus-value pour la communauté internationale, ce qui constitue une grosse injustice》.
Cette initiative basée sur des données techniques permet donc aux pays de l'Afrique Centrale de solliciter une concertation et une négociation pour continuer de préserver le poumon de la planète. Le challenge est donc de capitaliser les financements publics et mixtes sur les marchés environnementaux. Pour cela six options de mécanismes de financement qui peuvent être développés ont été déterminés. Parmi ces options il faut voir comment générer et gérer l'argent pour que les pays accèdent à ces financements. L'autre option est de voir quels sont les besoins réels de coordination de la COMIFAC car l'impression générale est que les partenaires n'ont pas véritablement intégré qu'il ya une structure de coordination des politiques forestières en Afrique Centrale qui est la Commission des Forêts d’Afrique Centrale.
Pour aller jusqu'au bout de cette initiative, le Fonds Mondial pour la Nature WWF et les pays du Bassin du Congo proposent d'évaluer les facteurs économiques inhérentes aux forêts afin de déterminer les procédures de mécanismes d'accès aux financements, à savoir qui va payer, combien devra-t-on payer aux États et comment le payer. Il est en outre envisagé un sommet international dédié spécifiquement au financement des forêt du Bassin du Congo. Partenaires et société civile sont de ce fait encouragés à accompagner les pays et la COMIFAC afin de donner vie a cette initiative et mobiliser les financements de manière concrète.
Dans un pavillon RDC plein d'acteurs de la Société civile et de partenaires techniques et financiers, les ministres ont tour à tour exprimé leur ras-le-bol vis-à-vis de la communauté internationale qui les fait languir quand aux différentes promesses de financement verts. Arlette Soudan Nonault, ministre de l'environnement et du développement durable de la République du Congo et Secrétaire Exécutive de la Commission Climat du Bassin du Congo, n'a pour cela pas fait l'économie de mots pour montrer que les forêts du Bassin du Congo doivent mobiliser les financements à la hauteur du rôle qu'elles jouent, à savoir 《 1,5 milliards de tonnes de séquestration de Carbone. Sans oublier les Tourbières qui absorbent pas moins de 30 à 31 milliards de tonnes de Co2, l'équivalent de trois à quatre années d'émissions de gaz à effet de serre de la planète, d'après le GIEC 》. Courant donc après cette urgence climatique, les chefs d'États du Bassin du Congo, à la faveur de la décennie mondiale de la restauration des écosystèmes forestiers des Nations-Unies, la décennie mondiale pour l'afforestation et le reboisement, projet sur lequel Rosalie MATONDO, ministre de l'Economie forestière, s'étendra plus amplement.
La République Démocratique du Congo est devenu un modèle de pays de solutions. Pour Ève BAZAIBA, ministre de l'environnement et du développement durable de la RDC, il faut absolument passer aux choses concrètes, car pour elle 《 il ne s'agit pas d'une aumône demandée, mais d'une nécessité pour la survie de l'humanité. Il ne faut donc pas comparer la situation du climat aux crises qu'il ya eu dans le passé. Ebola, Covid-19 ou crise économique ont leur à trouvé des solutions. Mais la crise climatique n'a à ce jour aucune véritable solution. Parmi les solutions basées sur la nature, il ya le couvert forestier qui absorbe les pollutions dont l'homme est responsable. Lorsque les pays industrialisés et les organisations viennent en partenariat pour la gestion des forêts d'Afrique Centrale, ce n'est pas une aide humanitaire mais une conscience à contribuer à la lutte contre le réchauffement de la planète et faire reculer les catastrophes qui menacent mais les pays riches》.
Prosper DODIKO, le président en exercice de la Comifac va clôturer cette table-ronde de haut niveau en remerciant tous les partenaires et surtout l'accompagnement du Fonds Mondial pour la Nature WWF dans la recherche d'une solution pérenne face à l'injustice internationale que subissent les pays forestiers du Bassin du Congo en lien avec les financements verts.
Line Renée ANABA en Azerbaïdjan
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