LA NÉGOCIATRICE DE LA CAUSE DE L'EAU POUR LA TUNISIE.


     Elle s'appelle Rawe KEFI, originaire de Manzel Bouzelfa, une ville de la région du cap Bon, située à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Tunis. L'accès à l'eau y est une véritable gageure à cause de fortes sécheresses qui ont rendu tout le pays vulnérable aux changements climatiques. 

    Sous son apparence de petite fille timide se cache une véritable guerrière de la cause environnementale en général et de l'accès des femmes et des jeunes à l'eau en particulier. Un combat qui naît très tôt, à l'âge de 10 ans où, aux côtés de sa mère Habiba, une institutrice et cultivatrice dévouée de Manzel Bouzelfa, elle voit au quotidien la difficulté de se procurer de l'eau. Plus rude encore en zone rurale où, au gré des affectations de son enseignante de mère, elle va passer des expériences à la dure. 《J'ai régulièrement vu à la campagne des enfants de mon âge qui n'avaient pas accès à l'eau comme moi quand je vivais en ville. J'ai donc réalisé que l'accès à l'eau est une question d'équité tout d'abord car elle n'est pas fournie à tout le monde de façon équitable. Le secteur de l'agriculture est durement touché par le manque d'eau en Tunisie 》.

       Pour élever sa petite famille et faire pousser son potager malgré la sécheresse, Habiba a mis en place des techniques de recyclage de l'eau, devenant ainsi un modèle pour sa fille Rawe Kefi. Elle se souvient d'ailleurs avec nostalgie de ses débuts de petite fille activiste auprès de son entourage à Manzel Bouzelfa. 《J'ai commencé par faire des campagnes de sensibilisation à nos voisins pour avoir une facture d'eau moins chère. Je faisais du porte à porte pour leur proposer des pratiques simples mais efficaces pour une utilisation rationnelle de l'eau》.


     Dès l'âge de la puberté, le virus de l'activisme bien inoculé en elle, elle a senti le besoin de développer encore plus ses capacités auprès de certaines Organisations Non Gouvernementales qui travaillent dans la région du Cap Bon en Tunisie. Elle va ainsi intégrer tour à tour les ONG "Dynamique autour de l'eau " et " Les enfants de la terre", qui vont lui permettre de participer à de vastes campagnes de sensibilisation des jeunes en milieu scolaire et académique, sur les questions d'accès à l'eau et de son utilisation rationnelle. 

      Rompue à la tâche, elle va progressivement gravir des marches en participant à des rencontres internationales et à sa première Conférence des Parties sur les changements climatiques où elle va participer aux négociations sous la bannière de Action for Climate Empowerment, qui s'intéresse à l'intégration des jeunes dans la prise de décision. Elle va ainsi se spécialiser sur les problèmes de gouvernance dans l'accès à l'eau potable en Tunisie.

      A la faveur d'une bourse, elle s'envole pour les Etats Unis il ya 5 ans pour faire du Environmental Humanity, une approche artistique, culturelle, humanitaire et écologique des changements climatiques, qui permet de voir le côté humain du climat à travers des stories telling où on présente les visages et les histoires de ces personnes qui vivent les rudesses du climat.


       Rawe KEFI prépare aujourd'hui une thèse de doctorat qui ne lui fait heureusement pas oublier ses 18 années d'activisme dans la société civile et surtout dans les négociations où la thématique ACE ou Action for Climate Empowerment reste sa préférée. 《 c'est une thématique qui s'intéresse aux jeunes et leur intégration dans la prise de décision. Mais j'ai aussi un faible pour l'objectif global de l'adaptation car la Tunisie comme de nombreux pays africains, n'a pas beaucoup d'émissions mais se trouve très vulnérable face aux changements climatiques. 》



     L'Institut de la Francophonie pour le Développement Durable lui permet donc de rendre plus solide la corde de son arc de guerrière de la cause environnementale. Grâce à la formation des femmes négociatrices climat qui se déroule à Kinshasa du 14 au 17 octobre 2024, Rawe KEFI dit avoir fait une bonne mise à jour des techniques de négociation données par les experts de l'IFDD. 《Echanger avec des femmes négociatrices d'autres pays africains, entendre leurs histoires, ce qu'elles font à l’échelle locale est un bel enseignement pour moi》. Une approche femme dans les négociations climat que L'IFDD entend poursuivre à travers ces formations qui ont été lancées depuis 2018.

                                          Line Renée ANABA 




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